Selon la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit. L’article 6 de la directive définit un produit défectueux comme un produit qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre compte tenu de toutes les circonstances, et notamment, de la présentation du produit et de l’usage du produit qui peut être raisonnablement attendu, au moment de la mise en circulation du produit.
Une société américaine fabrique et vend des stimulateurs cardiaques ainsi que des défibrillateurs automatiques implantables. Ces dispositifs ont été importés et commercialisés dans l’Union européenne et notamment auprès de médecins Allemands. Le système de contrôle qualité du fabriquant a permis de constater que ces produits pouvaient être défectueux et donc constituer un danger vital pour les patients.
Le fabriquant a donc recommandé aux médecins de pratiquer une nouvelle intervention chirurgicale afin de remplacer les stimulateurs cardiaques potentiellement défectueux par d’autres stimulateurs fournis gratuitement par lui. En revanche, concernant les défibrillateurs, une simple désactivation de la pièce potentiellement défectueuse du dispositif a été préconisée.
Des assureurs Allemands de patients dont le stimulateur ou le défibrillateur ont été remplacés ont réclamé en justice au cours de plusieurs affaires le remboursement des coûts liés aux interventions.
La Cour fédérale d’Allemagne (Bundesgerichtshof), juridiction de renvoi a été saisie des litiges. Afin de trancher ceux-ci, la Cour a décidé de sursoir à statuer et de poser à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), par renvoi préjudiciel, deux questions sur l’interprétation de la directive 85/374/CEE :
-L’article 6 paragraphe 1 de la directive 85/374/CEE doit-il être interprété en ce sens que le constat d’un défaut potentiel des produits appartenant à un même groupe ou relevant de la même série de production, tels que les stimulateurs cardiaques et les défibrillateurs automatiques implantables, permet de qualifier de défectueux un tel produit sans qu’il soit besoin de constater dans ce produit ledit défaut ?
-Si la réponse à la première question est positive, alors les articles 1er et 9, premier alinéa, sous a) de la directive 85/374/CEE doivent-ils être interprétés en ce sens que le dommage causé par une opération chirurgicale de remplacement d’un produit défectueux constitue « un dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles » dont le producteur est responsable ?
Dans son arrêt du 5 mars 2015 (CJUE, 5 mars 2015, affaires jointes n° C-503/13 et C-504/13, Boston Scientific c/ AOK Sachsen-Analt et autres), la CJUE constate concernant la première question que, eu égard à leur fonction et à la situation de particulière vulnérabilité des patients qui utilisent les dispositifs médicaux en cause, ces produits sont soumis à des exigences de sécurité particulièrement élevées.
Le défaut potentiel de sécurité de ces produits, qui engage la responsabilité du producteur, réside donc dans la potentialité anormale du dommage qu’ils peuvent causer à la personne.
Dans ces conditions, la CJUE a jugé qu’en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, le constat d’un défaut potentiel des produits appartenant au même groupe ou relevant de la même série de la production permet de qualifier de défectueux tous les produits de ce groupe ou de cette série, sans qu’il soit besoin de démontrer le défaut du produit concerné.
Concernant la deuxième question, la CJUE distingue les deux affaires.
Pour le remplacement des simulateurs cardiaques, les coûts liés à ce remplacement constituent un dommage dont le fabricant est responsable en vertu de la directive 85/374/CEE.
En revanche, la Cour constate que concernant les défibrillateurs automatiques implantables pour lesquels le producteur a recommandé une simple désactivation de pièce, il appartient à la juridiction allemande de vérifier si une telle désactivation élimine le défaut des produits ou si leur remplacement est au contraire nécessaire. La juridiction devra donc rechercher le lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage subi. En cas de réponse positive les victimes d’un produit défectueux et donc leurs assureurs subrogés dans leurs droits pourront demander un dédommagement adéquat et intégral du dommage causé par la lésion corporelle due au défaut du produit.