Encadrement des avantages : prestations nettes, hors taxes, déduction des charges sociales ? ça patauge, ça patauge …

Depuis la mise en œuvre du dispositif relatif à l’encadrement des avantages, intervenu le 1er octobre 2020, l’imprécision des textes accentue les divergences d’interprétation. La récente FAQ publiée par la DGCCRF et la DGOS n’améliore pas la situation.

Depuis l’entrée en vigueur de l’Ordonnance n°2017-49 du 19 janvier 2017 relative aux avantages offerts par les personnes fabriquant ou commercialisant des produits ou des prestations de santé, l’octroi d’avantages par les industriels et les prestataires de services du monde de la santé a évolué. Le principe de l’interdiction de l’octroi des avantages demeure. Toutefois, les avantages dérogatoires et les modalités d’application de ces dérogations peuvent être particulièrement difficiles à mettre en œuvre et sont parfois très discutables. En effet, malgré la publication des textes d’application (décrets et arrêtés) ainsi que de textes « d’interprétation » de ce dispositif, de réelles difficultés pratiques persistent.

Parmi les avantages dérogatoires qu’il est possible d’octroyer figure notamment « la rémunération, l’indemnisation et le défraiement d’activités de recherche, de valorisation de la recherche, d’évaluation scientifique, de conseil, de prestation de services ou de promotion commerciale, dès lors que la rémunération est proportionnée au service rendu et que l’indemnisation ou le défraiement n’excède pas les coûts effectivement supportés par les personnes mentionnées à l’article L. 1453-4 »

Cette disposition à elle seule fait l’objet de plusieurs difficultés !

D’abord, il aurait été bien de définir les notions de rémunération, défraiement ou indemnisation.

Ensuite, on peut s’interroger sur la notion de défraiement. Pour quelles raisons les frais effectivement encourus par un prestataire (ex : professionnel de santé) sont-ils pris en compte dans le calcul de l’avantage octroyé alors que ces frais n’auraient pas été encourus si ce prestataire n’avait pas réalisé cette prestation et ne participent à aucun enrichissement du patrimoine du prestataire ? Par ailleurs, comment connaitre à l’avance des frais potentiellement encourus par ce prestataire (ex : prix de billets de train) pour choisir le type de régime dérogatoire à mettre en œuvre à savoir la déclaration ou l’autorisation octroyant l’avantage ?

Ces questions sont autant de difficultés pour les industriels qui souhaitent prendre en charge les frais des prestataires lorsqu’ils leur confient une mission mais également pour les prestataires qui souhaitent accepter la prise en charge de tels frais.

Par ailleurs, la notion de rémunération fait également l’objet de discussions. En effet, l’arrêté du 7 août 2020 fixant les montants à partir desquels une convention prévue à l’article L. 1453-8 du code de la santé publique et stipulant l’octroi d’avantages est soumise à autorisation prévoit que la rémunération doit être entendue « nette » pour calculer le seuil à partir duquel le régime d’autorisation est applicable.

Si la notion de rémunération « nette » ou « brute » est cohérente dans le cadre d’un contrat salarial, en revanche, comment doit-elle s’interpréter dans le cadre de la rémunération d’une prestation de service entre un donneur d’ordre et un prestataire ?

A défaut de précision dans l’Arrêté, la note d’information n° DGOS/RH2/2020/157 du 11 septembre 2020 aurait pu préciser ce point. Pourtant, aucune explication n’est donnée. La seule information sur la notion de rémunération « nette » est visée dans le cadre des rémunérations exclues du dispositif qui précise que « le montant de ces sommes s’entend net de taxes et de cotisations, et correspond donc à la somme effectivement perçue par le professionnel (avant impôt sur le revenu) ».

Quoiqu’il en soit, d’une part, ce document n’est pas opposable et d’autre part, ces éléments ne permettent toujours pas de savoir concrètement comment estimer ce montant de rémunération « net de taxes et de cotisations ».

En pratique, les donneurs d’ordre n’ont pas connaissance du montant des cotisations des prestataires et les prestataires ne savent généralement pas précisément le montant exact de leurs cotisations.

Le CNOM semble d’ailleurs considérer, dans le cadre des retours sur les conventions fixant ces rémunérations, que le montant de la rémunération doit s’entendre TTC pour le calcul des seuils permettant de savoir quel est le régime dérogatoire applicable.

Il est donc manifeste que le dispositif tel que prévu par les textes légaux et réglementaires engendre des difficultés pratiques.

La DGOS et la DGCCRF ont publié le 30 novembre dernier, une FAQ sur ce dispositif. On aurait pu croire que la DGOS et la DGCCRF auraient pu donner des explications simples et claires sur la manière de calculer ces rémunérations pour rassurer les industriels et les professionnels de santé. Il n’en est rien. Leur explication est la suivante : « lorsque le bénéficiaire perçoit une rémunération dans le cadre d’un contrat de prestation conclu avec l’entreprise versante, ce montant net est calculé en appliquant à la rémunération un taux moyen résultant des cotisations sociales et prélèvements sociaux que le bénéficiaire a versés au titre de l’année N-1.Lorsque ce montant n’est pas connu, alors le déposant applique un taux de 19% à la rémunération versée au bénéficiaire correspondant au taux minimal des cotisations et prélèvements« .

A en croire la DGOS et la DGCCRF, pour octroyer une rémunération à un prestataire dans le cadre du dispositif d’encadrement des avantages, le donneur d’ordre devrait demander au prestataire le taux de ses cotisations sociales pour l’appliquer à la rémunération qu’il compte lui octroyer et ainsi savoir dans quel régime dérogatoire il s’inscrit. Voilà comment décourager plus d’un professionnel de mettre en œuvre ce dispositif.

Face à ces divergences d’interprétation et à ces pratiques défiants toute règle de bon sens, il devient urgent et nécessaire d’avoir une réponse claire et précise sur le calcul de cette rémunération pour assurer la légitime sécurité juridique des industriels et des professionnels de santé.

Il aurait été tout de même plus simple et plus logique que les textes réglementaires précisent si cette rémunération s’interprète hors taxes ou toutes taxes comprises. Par parallélisme avec la notion de rémunération « nette », à notre sens, la rémunération hors taxes aurait dû être retenue. Quoiqu’il en soit, face à l’absence de textes opposables clairs et de jurisprudence en la matière, cette interprétation du calcul de la rémunération pourrait être utilisée au moins jusqu’à ce que les législateurs daignent légiférer clairement sur le sujet ou le cas échéant qu’une décision judiciaire soit rendue.

Christine CHAURAND, avocate

Thomas ROCHE, avocat associé