La loi anti-cadeaux, système anti-corruption en santé
Pour rappel, le dispositif « anti-cadeaux », mis en place en 1993 (loi n°93-121 du 27 janvier 1993) et renforcé depuis le 1er octobre 2020 (ordonnance n°2017-49 du 19 janvier 2017 et décret n°2020-730 du 15 juin 2020) réprime l’offre et la fourniture d’avantages en nature ou en espèces aux professionnels de santé de la part des personnes assurant des prestations de santé, produisant ou commercialisant des produits de santé (articles L.1453-3 à L.1454-10 du code de la santé publique). Le non-respect de ces règles est sanctionné pénalement, à la fois pour ceux qui offrent les avantages et pour ceux qui les reçoivent.
Il existe des dérogations à cette interdiction, avec la possibilité d’offrir des avantages, sous réserve de respecter certaines règles de déclaration et d’autorisation.
L’objectif de ce dispositif est notamment de contrôler et moraliser les relations entre les professionnels de santé et les entreprises du secteur de la santé, et donc garantir l’indépendance des professionnels de santé. Le respect de ces règles fait l’objet d’un contrôle par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), dont les services ont ainsi mené une enquête en 2021.
La condamnation pénale du groupe URGO
C’est dans le cadre de cette mission de contrôle de la DGCCRF, et en collaboration avec la gendarmerie de Dijon, qu’a été mis au jour un non-respect du dispositif d’encadrement des avantages d’un montant estimé à 55 millions d’euros de la part de Laboratoires URGO et URGO Healthcare. L’objectif de la manœuvre était d’augmenter les marges, bénéfices et parts de marché du groupe, avec des cadeaux au bénéfice des pharmaciens d’une valeur allant jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Concrètement, en échange d’une renonciation à une remise contractuelle sur le prix d’achat de produits URGO, le pharmacien concerné obtenait un « cadeau » à titre privé, d’un montant équivalent à la remise.
Après des perquisitions, des auditions et la garde à vue du responsable d’URGO, une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), homologuée par le président du tribunal judiciaire de Dijon le 27 janvier 2023 a été diligentée. Plus de 5.4 millions d’euros ont ainsi fait l’objet d’une saisie pénale, et le groupe URGO a été condamné à hauteur de 1.125 millions d’euros d’amende.
La décision est bien sûr susceptible d’appel, et la DGCCRF a déjà indiqué que l’enquête se poursuivait, notamment auprès des pharmaciens qui auraient reçu ces avantages, et qui risquent eux aussi une condamnation.
Lire le communiqué de presse de la DGCCRF
Chloé Justin, Elève-Avocate
Thomas Roche, Avocat associé