A la suite d’une luxation d’une prothèse de genou, un patient subit deux interventions chirurgicales tendant au remplacement de la prothèse. Le patient invoque la défectuosité de celle-ci et exerce un recours indemnitaire contre le centre hospitalier devant les juridictions administratives. Le centre hospitalier appelle en garantie le fabricant de la prothèse.
Le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi du centre hospitalier, renvoie au Tribunal des conflits la question de savoir si le litige relève ou non de la compétence de la juridiction administrative.
Dans un premier temps, le Tribunal des conflits confirme le principe de la responsabilité sans faute du service public hospitalier en matière de produit de santé défectueux, et la possibilité qui lui est offerte d’exercer un recours en garantie contre le producteur.
En effet, le Tribunal rappelle que « si le service public hospitalier est responsable, même en l’absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu’il utilise, y compris lorsqu’il implante, au cours de la prestation de soins, un produit défectueux dans le corps d’un patient, il peut, lorsque sa responsabilité est recherchée par ce dernier sur ce fondement, exercer un recours en garantie à l’encontre du producteur ».
Le Tribunal reprend ici la jurisprudence « Marzouk » de 2003, dans laquelle le Conseil d’Etat a retenu que « sans préjudice d’éventuels recours en garantie, le service public hospitalier est responsable, même en l’absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu’il utilise » (CE, 9 juill. 2003, Assistance publique — Hôpitaux de Paris c/ Marzouk, n°220437).
En 2011, la Cour de Justice de l’Union Européenne a précisé que la directive du 25 juillet 1985 ne s’opposait pas « à ce qu’un Etat membre institue un régime prévoyant la responsabilité d’un prestataire de soins à l’égard des dommages occasionnés, même en l’absence de toute faute imputable à celui-ci, à condition toutefois que soit préservée la faculté pour la victime et/ou ledit prestataire de mettre en cause la responsabilité du producteur sur le fondement de ladite directive » (CJUE, 21 déc. 2011, Centre hospitalier de Besançon, n°C-495/10).
Enfin, dans un arrêt du 25 juillet 2013, le Conseil d’Etat a ajouté que le principe de la responsabilité sans faute du service public hospitalier dégagé dans la décision Marzouk « trouve à s’appliquer lorsque le service public hospitalier implante, au cours de la prestation de soins, un produit défectueux dans le corps d’un patient » (CE, Sect., 25 juillet 2013, Falempin, n°339922).
Dans un second temps, le Tribunal des conflits statue sur la question de la compétence de la juridiction administrative en matière de prothèse défectueuse.
En effet, le Tribunal rappelle que « les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs de sorte que les litiges nés de leur exécution relèvent de la compétence du juge administratif».
Or, le Tribunal considère que « constitue un tel litige, l’action en garantie engagée par le service public hospitalier à l’encontre d’un producteur auquel il est lié par un contrat administratif portant sur la fourniture de produits dont la défectuosité de l’un d’eux a été constatée et le contraint à indemniser le patient de ses conséquences dommageables ».
Le Tribunal en conclut « qu’il appartient en conséquence à la juridiction de l’ordre administratif de connaître du litige opposant le centre hospitalier de Chambéry à la société Groupe Lépine ».
Le Tribunal des conflits n’avait encore jamais statué sur la question de la juridiction compétente pour connaître d’un recours en garantie exercé par un centre hospitalier à l’encontre d’un producteur.
Il estime que, dans le cas où le service public hospitalier est lié au producteur par un contrat administratif portant sur la fourniture de prothèses dont la défectuosité de l’une d’elles a été constatée, son action en garantie découle de la mauvaise exécution par le producteur de ce contrat, et relève donc de la compétence du juge administratif.