Il est des notions dont la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a très peu l’occasion de connaître. Tel est le cas de celle de « dispositif médical » dont la définition est prévue par la directive 93/42/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, relative aux dispositifs médicaux.
Aux termes de l’article premier, paragraphe 2, sous a) de la directive susmentionnée, doit être considéré comme dispositif médical :
« tout instrument, appareil, équipement, logiciel, matière ou autre article, utilisé seul ou en association, y compris le logiciel destiné par le fabricant à être utilisé spécifiquement à des fins diagnostique et/ou thérapeutique, et nécessaire au bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins :
– de diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement ou d’atténuation d’une maladie
– de diagnostic, de contrôle, de traitement, d’atténuation ou de compensation d’une blessure ou d’un handicap ;
– d’étude ou de remplacement ou modification de l’anatomie ou d’un processus physiologique ;
– de maîtrise de la conception,
et dont l’action principale voulue dans ou sur le corps humain n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens (…) »
Il est vrai qu’à première lecture, la définition du dispositif médical semble des plus explicites et n’appelle pas de commentaires particuliers.
Pourtant, dans un arrêt en date du 22 novembre 2012 (CJUE, 22 nov. 2012, Aff. C-219/11, Brain Products GmbH c/ BioSemi VOF e.a.) la CJUE s’est prononcée, dans le cadre d’une demande de décision préjudicielle, sur le fait de savoir si un objet conçu par son fabricant pour être utilisé chez l’homme à des fins d’étude d’un processus physiologique sans être destiné à un but médical pouvait être qualifié de dispositif médical.
En l’espèce, le concurrent d’un fabricant allemand arguait que son système et son équipement électronique permettant d’enregistrer l’activité cérébrale humaine devaient être marqués CE puisque relevant de la catégorie des dispositifs médicaux. Au surplus, le commerce d’un tel objet non marqué CE devait également être interdit.
Le fabricant du système et de l’équipement en question estimait pour sa part qu’ils ne répondaient pas à la définition du dispositif médical en ce qu’ils n’avaient pas de destination médicale. De fait, l’obliger à obtenir une certification CE pour ses produits contreviendrait au principe européen de libre circulation des marchandises.
Faisant fi des arguments de la partie demanderesse, la CJUE estime que la notion de dispositif médical ne peut pas être retenue pour un objet conçu par son fabricant pour être utilisé chez l’homme à des fins d’étude d’un processus physiologique et qui n’est pas destiné à un but médical.
Préalablement à l’examen de la question préjudicielle, la CJUE rappelle que, conformément à sa jurisprudence, il est nécessaire, dans le cadre de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de prendre en considération les termes de celle-ci ainsi que son contexte et les objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (CJUE, 3 déc. 2009, aff. C-433/08, Yaesu Europe ; CJUE, 19 juill. 2012, aff. C-112/11, ebookers.com Deutschland).
Afin de qualifier le système et l’équipement en cause, la CJUE fonde son raisonnement sur trois arguments forts.
Tout d’abord, la Cour rappelle que la directive, selon son titre, est relative aux dispositifs « médicaux ». Elle a notamment pour objectif l’harmonisation des dispositions nationales assurant la sécurité et la protection des patients.
Puis, la Cour opère un parallèle avec le cas quasi-similaire des logiciels qui peuvent être des dispositifs médicaux lorsqu’ils sont spécifiquement destinés par le fabricant à être utilisés dans un ou plusieurs des buts médicaux figurant dans la définition d’un dispositif médical. Cependant, un logiciel à usage général utilisé dans un environnement médical n’est pas nécessairement un dispositif médical.
Les juges européens mobilisent également la guidance de la Commission relative à l’application uniforme des dispositions de la directive 93/42 au sein de l’Union (Meddev 2.1/1) aux termes de laquelle il est spécifié que les dispositifs médicaux sont destinés à être utilisés dans un but médical.
Enfin, les juges rappellent d’une part que l’un des objectifs prévus par la réglementation en vigueur relève du maintien ou de l’amélioration du niveau de protection atteint dans le États membres et d’autre part de la mise en œuvre des conditions d’un marché intérieur des dispositifs médicaux par la libre circulation des dispositifs sur le territoire de l’Union.
Ainsi, la directive 93/42/CEE doit accorder le principe de libre circulation des dispositifs médicaux avec l’impératif de protection de la santé des patients (CJCE, 14 juin 2007, aff. C-6/05, Medipac-Kazantzidis). Subséquemment, tout fabricant qui conçoit un produit dont l’utilisation ne relève pas de finalités médicales ne peut se voir imposer une quelconque certification préalable à la mise sur le marché de son produit.
En tout état de cause, la Cour conclut en affirmant que la destination médicale d’un produit doit être considérée comme inhérente et intrinsèque à la notion de dispositif médical.