La consécration législative de la distinction entre génétique constitutionnelle et génétique somatique

La loi relative à la bioéthique du 2 août 2021 introduit dans le code de la santé publique deux nouveaux articles qui viennent respectivement définir les examens de génétique constitutionnelle (article L. 1130-1) et les examens de génétique somatique (article L. 1130-2).

« L’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles consiste à analyser les caractéristiques génétiques d’une personne héritées ou acquises à un stade précoce du développement prénatal. »
« L’examen des caractéristiques génétiques somatiques consiste à rechercher et à analyser les caractéristiques génétiques dont le caractère hérité ou transmissible est en première intention inconnu. »

Cette distinction est essentielle, car source de sécurité juridique, notamment pour les chercheurs souhaitant réaliser des examens génétiques à partir d’échantillons biologiques dans le cadre d’un usage secondaire.
En effet, lorsque l’analyse génétique est qualifiée de somatique il n’est pas nécessaire d’appliquer les dispositions des articles 16-10 à 16-13 du code civil exigeant, en principe, de retourner vers le donneur pour obtenir son consentement écrit.

Tout l’enjeux dorénavant est donc d’essayer de circonscrire chacune de ces notions pour déterminer le régime juridique devant être respecté lors de la réalisation de l’examen de caractéristiques génétiques. Or la distinction en pratique est loin d’être évidente pour nous juristes, mais aussi parfois pour les scientifiques comme nous le confiaient récemment certains d’entre eux.

Afin d’aider les juristes que nous sommes, nous pouvons, en attendant peut-être d’éventuelles précisions réglementaires, nous reporter aux règles de bonnes pratiques applicables à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins médicales et à l’avis n°124 du CCNE intitulé : « Réflexion éthique sur l’évolution des tests génétiques liée au séquençage de l’ADN humain à très haut débit ».

 

1. Les règles de bonnes pratiques applicables à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins médicales

Il est intéressant de constater que la loi de bioéthique vient consacrer une distinction qui existait d’ores et déjà dans un texte réglementaire.

C’est effectivement l’arrêté du 27 mai 2013, dont l’annexe définit les règles de bonnes pratiques applicables à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins médicales, qui évoque la distinction entre la génétique et constitutionnelle en proposant les définitions suivantes :

« Génétique constitutionnelle :
L’anomalie génétique est présente dans l’ensemble des cellules de l’organisme, y compris les gamètes. La maladie génétique constitutionnelle est donc transmissible à la descendance et a pu être transmise par un ou des ascendants mais pas systématiquement, car il peut s’agir d’une mutation survenue à cette génération (on parle alors de mutation de novo).

Génétique somatique :
L’anomalie génétique concerne une population de cellules au sein de l’organisme (excepté les gamètes). Une mutation somatique est acquise, elle n’est pas transmissible et n’a pas été transmise.
Nota. – Suite à une mutation somatique, un individu est alors constitué de deux populations cellulaires : une population contenant l’information génétique constitutionnelle initiale et l’autre portant la mutation somatique. »

Finalement lorsque l’on analyse ces différentes définitions, nous en arrivons à la conclusion que le plus important réside dans la capacité à identifier les examens génétiques « somatiques » puisque ce sont ces examens qui bénéficient d’un régime juridique allégé.
Une autre source, bien que n’ayant pas de valeur réglementaire mérite d’être citée afin de bien appréhender la notion de « somatique ».

 

2. Les réflexions éthiques du CCNE sur l’évolution des tests génétiques liée au séquençage de l’ADN humain à très haut débit

Cet avis n°124 est tout particulièrement intéressant en ce qu’il développe, en des termes non juridiques, la distinction entre « constitutionnelle » et « somatique ».

« Il faut clairement distinguer les modifications génétiques constitutionnelles, c’est-à-dire qui existaient dans la cellule oeuf – ou zygote – et sont donc présentes dans toutes les cellules de l’organisme, des modifications dites « somatiques » qui, elles, sont acquises par quelques cellules au cours de la vie, par exemple lors de la cancérogenèse.
Les premières sont présentes dans les gamètes et souvent héritées des ascendants (elles peuvent également être acquises de novo) et transmissibles à la descendance. Elles impliquent donc la famille.
(…)
Les modifications dites « somatiques » sont, elles, spécifiques d’un tissu, absentes des gamètes et non transmissibles à la descendance, et qui surviennent avant tout en oncologie. L’analyse du génome d’une tumeur, par exemple, cherche à définir une « signature » propre à un cancer particulier ; elle étudie également l’hétérogénéité génétique d’un type tumoral entre les patients, ce qui permet à la fois d’affiner la compréhension du processus tumoral et de guider une prise en charge thérapeutique du patient ciblée sur le profil génétique de sa tumeur. Elle débouche directement sur la recherche de molécules thérapeutiques ciblant ces anomalies et permet également l’identification des patients susceptibles d’y répondre. ».

L’ensemble de ces éléments devraient ainsi aider les chercheurs (et les juristes) à qualifier les examens des caractéristiques génétiques qu’ils envisagent de réaliser à des fins scientifiques et donc de déterminer le régime juridique et surtout les droits des donneurs (information et/ou consentement) devant être respectés.