La révision de la loi de bioéthique continue … en toute discrétion !

Voici le texte d’une tribune libre publiée dans l’édition du 30 novembre 2011 du Quotidien du médecin. La proposition de loi doit être examinée en séance publique au Sénat le 10 et 11 janvier 2012.

La révision de la loi de bioéthique continue … en toute discrétion !

En catimini, les députés ont décidé, sous couvert d’allègements des démarches administratives, de « simplifier » le régime administratif encadrant les thérapies cellulaires. Ne soyons pas dupes, cette simplification ne vise pas à atteindre le but affiché mais constitue bien le moyen d’interdire enfin la création en France d’établissements de tissus privés !

Après s’être attaqués ouvertement, dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique, aux banques privées de sang de cordon, nos législateurs ont décidé d’amplifier leur combat en s’attaquant à toute banque privée qui oserait proposer une conservation autologue ou familiale de tissus ou cellules en vue d’un éventuel futur usage thérapeutique.

Ainsi, la proposition de loi relative à la simplification du droit et allègement des démarches administratives, adoptée le 18 octobre 2011 par l’Assemblée nationale, propose de réunir sous un même article deux régimes d’autorisation distincts.

Le premier concerne les activités qui peuvent être réalisées par l’établissement de tissus (Art. L. 1243-2 du CSP) que l’on peut qualifier d’autorisation d’établissement et le second concerne les procédés de préparation et de conservation du produit de thérapie cellulaire (L. 1243-5 du CSP) que l’on pourrait comparer à une autorisation de mise sur le marché pour un médicament.

A l’avenir, l’article L. 1243-5 devrait disparaître mais l’autorisation délivrée par l’Afssaps, devenue l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (on n’arrête pas le progrès !), précisera « la catégorie de tissus et leurs dérivés ou de préparations de thérapie cellulaire et mentionne[ra] les accords passés entre un établissement et des tiers pour la réalisation de ces activités, les procédés de préparation et de conservation mis en œuvre ainsi que les indications thérapeutiques reconnues. »

Voilà l’illustration d’un bel allégement administratif, source de progrès !

Réunir sous un même article deux régimes distincts d’autorisations administratives qui vont enfin permettre à nos autorités administratives sanitaires de pouvoir refuser en toute légalité l’ouverture d’établissements de tissus privés.

Ce n’est pas le fait de fusionner ces deux autorisations sous un même article qui permettra d’atteindre un tel résultat, mais bien les conditions dont celle-ci sera assortie.

Seuls pourront être autorisés les établissements de tissus qui mettront en œuvre des procédés de préparation et de conservation disposant d’indications thérapeutiques reconnues.

Une fois décrypté, cela consiste à permettre à l’autorité compétente (peu importe son nom) de rejeter tous les projets d’établissements qui proposeraient la conservation de tissus en vue d’un éventuel futur usage thérapeutique sans bénéficier d’indications thérapeutiques encore reconnues, notamment par l’intermédiaire d’essais cliniques.

Concrètement, quelles sont les conséquences si un tel texte venait à être publié ?

En interdisant en France de tels établissements, les législateurs empêchent la conservation de ressources thérapeutiques (tissus ou cellules) qui pourraient être utilisées dans le cadre d’essais cliniques permettant de démontrer l’existence d’indications thérapeutiques dans des applications autologues ou allogéniques apparentées.

En effet, en interdisant la conservation personnalisée et éthique de tissus et cellules en dehors d’une indication thérapeutique reconnue, comment les chercheurs pourront découvrir de nouvelles indications autologues ou allogéniques apparentées, pour lesquelles les chances de compatibilité sont infiniment plus importantes que dans le cadre d’une utilisation allogénique non apparentée ?

Ils ne pourront pas, ne disposant pas de la ressource biologique nécessaire, et devront se contenter de travailler sur des applications allogéniques non apparentées laissant à leurs homologues étrangers le bénéfice de recherches sur des applications autologues ou allogéniques apparentées ! Ouf, le dogme de la solidarité collectiviste est sauf !

A l’heure où l’on nous promet l’avènement d’une médecine personnalisée gage d’efficacité accrue, où les finances publiques consacrent des sommes phénoménales pour soutenir l’innovation thérapeutique et notamment cellulaire, il serait de bon ton de gagner en cohérence et de délivrer un message clair à nos concitoyens, à nos chercheurs et à nos entreprises innovantes !