La Cour d’Appel de Versailles, dans un arrêt du 6 avril 2023 (RG n°21/00065), est venue confirmer, le statut hybride du régime d’assimilé salarié dont peuvent bénéficier certains agents publics hospitaliers réalisant notamment des prestations de consultance pour le compte d’entreprises du secteur de la santé.
Le recours à des experts occasionnels travaillant au sein d’hôpitaux publics
Le régime assimilé-salarié est largement utilisé par des entreprises du secteur de la santé qui souhaitent confier des prestations d’expertises ou de consultance à des médecins travaillant au sein d’établissements de santé public.
Sous réserve, pour le praticien hospitalier d’obtenir de sa hiérarchie une autorisation de cumul d’activités, il lui est possible de réaliser des prestations pour le compte de tiers. Afin d’encadrer de telles prestations et de respecter la loi anti cadeau, il importe de mettre en place un contrat de prestation de services.
Dans le cadre de ce contrat, il est possible de prévoir une forme de rémunération particulière qui peut s’apparenter à du salariat. En effet, les parties peuvent décider de bénéficier des dispositions de l’article L. 311-3 27° du code de la sécurité sociale et d’affilier le consultant au régime général par assimilation. On parle alors « d’assimilé salarié ».
Faciliter la vie des médecins consultants occasionnels qui travaillent à l’hôpital
Cette possibilité a été introduite par la loi n°2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche avec la volonté pour le Gouvernement de l’époque de simplifier les procédures et d’alléger les contraintes administratives auxquelles les chercheurs effectuant des expertises et des consultations étaient soumis.
En effet, en principe, les experts ou consultants qui interviennent comme prestataires de services, ont l’obligation de s’inscrire auprès des caisses en qualité de travailleur non salarié (TNS).
Une telle inscription génère de nombreuses démarches administratives, notamment déclaratives, et peut s’avérer particulièrement contraignante si les honoraires facturés au cours d’une année n’atteignent pas des niveaux élevés.
Le Gouvernement a donc proposé de faire bénéficier à ces experts/consultants occasionnels indépendants d’une affiliation au régime général des travailleurs salariés en les rattachant aux catégories professionnelles énumérées à l’article L. 311-3 du Code de la sécurité sociale.
Concrètement, cela signifie que les chercheurs n’ont plus à s’affilier en leur qualité de travailleurs non salariés (TNS) et que leurs clients (notamment les entreprises du secteur de la santé) paient directement les cotisations (déduites des honoraires) aux organismes de sécurité sociale.
En résumé, au lieu de verser des honoraires au prestataire, charge ensuite à ce dernier de s’acquitter de ses charges sociales, l’entreprise lui ayant commandé ses prestations lui verse une somme nette de charge, assimilée à un salaire, et doit s’acquitter du paiement des charges sociales et patronales correspondantes.
L’assimilation à un statut de salarié n’induit pas un statut de salarié
La Cour d’appel vient rappeler que cette assimilation au régime générale par l’effet des dispositions de l’article L.311-3, 27° du code de la sécurité sociale ne doit pas être considérée comme une relation de travail et que par voie de conséquence, s’il n’existe aucun lien de subordination, le consultant n’a pas le statut de salarié et donc que les obligations liées à un tel statut, et notamment la déclaration préalable à l’embauche, ne lui sont pas applicables.
En analysant les faits de l’espèce et notamment les dispositions des exemplaires des conventions de prestation de services versées au débat, la Cour d’Appel constate que ces conventions comportent des clauses afférentes aux obligations de l’expert, à la nature et à la durée des prestations, aux conditions financières, aux obligations déclaratives et de transparence, etc., et qu’il ne peut être déduit de ces différentes clauses l’existence d’un lien de subordination entre les experts missionnés par la société et cette dernière, en dehors de tout élément permettant d’apprécier concrètement l’exercice de leur activité.
La Cour d’Appel note également que le remboursement des frais professionnels exposés par les intéressés pour les besoins de leurs missions d’expertise et de consultation est tout aussi impropre à caractériser l’existence d’une relation salariale.
Enfin, elle en conclu qu’aucune pièce ne vient démontrer que la société donne à ces chercheurs des ordres et des directives, qu’elle en contrôle l’exécution et qu’elle sanctionne tout éventuel manquement de leur part et donc qu’il ne peut être considéré que les médecins-experts qui interviennent auprès de cette société sont liés à celle-ci par un contrat de travail et qu’ils sont des salariés au sens étroit du terme.
La Cour d’Appel vient ainsi confirmer, en l’absence de lien de subordination, le caractère hybride du statut de ces agents publics hospitaliers, qui demeurent des prestataires de services indépendants, mais qui bénéficient du même type de rémunération qu’un salarié.
L’esprit du législateur, qui souhaitait encourager le développement des activités de consultance des chercheurs du secteur public au sein des entreprises par un allègement des contraintes administratives induites par ces activités de consultance, est ainsi respecté !
⇒ Thomas ROCHE, Avocat