La réalisation de recherches sur échantillons biologiques humains nécessite des échantillons ! Mais d’où viennent-ils ?
Cette question est essentielle, car elle met en lumière les véritables enjeux bioéthiques entourant l’obtention des échantillons biologiques humains.
L’origine de ces échantillons biologiques est simple et à :
- ils sont prélevés spécifiquement pour les besoins d’un projet de recherche ;
- ou ils ont été prélevés initialement pour une autre finalité et ces résidus, au lieu d’être détruits, sont utilisés secondairement pour un projet de recherche.
1. Les prélèvements spécifiques pour une recherche :
Lorsque les échantillons sont prélevés spécifiquement pour les besoins d’une recherche, il s’agit d’une recherche clinique. En effet, l’atteinte à l’intégrité physique d’une personne à des fins de recherche constitue une dérogation au principe d’inviolabilité du corps humain et implique le respect d’un régime juridique spécifique destiné à protéger les personnes acceptant un tel prélèvement à des fins de recherche.
Article 16-3 du Code civil
Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui.
Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir.
La personne qui souhaite réaliser un tel prélèvement devra donc être qualifiée de promoteur et devra respecter la réglementation encadrant les recherches cliniques afin de conduire cette recherche (rédaction d’un protocole, d’une lettre d’information et d’un formulaire de consentement, autorisation par l’ANSM et/ou avis d’un CPP, etc.).
Le promoteur devra s’assurer que les prélèvements réalisés pour les besoins de son protocole de recherche respectent les principes de bioéthique rappelés à l’article L. 1121-2 du CSP.
Article L1121-2 du CSP
Aucune recherche impliquant la personne humaine ne peut être effectuée : – si elle ne se fonde pas sur le dernier état des connaissances scientifiques et sur une expérimentation préclinique suffisante ;
– si le risque prévisible encouru par les personnes qui se prêtent à la recherche est hors de proportion avec le bénéfice escompté pour ces personnes ou l’intérêt de cette recherche ;
– si elle ne vise pas à étendre la connaissance scientifique de l’être humain et les moyens susceptibles d’améliorer sa condition ;
– si la recherche impliquant la personne humaine n’a pas été conçue de telle façon que soient réduits au minimum la douleur, les désagréments, la peur et tout autre inconvénient prévisible lié à la maladie ou à la recherche, en tenant compte particulièrement du degré de maturité pour les mineurs et de la capacité de compréhension pour les majeurs hors d’état d’exprimer leur consentement.
L’intérêt des personnes qui se prêtent à une recherche impliquant la personne humaine prime toujours les seuls intérêts de la science et de la société.
La recherche impliquant la personne humaine ne peut débuter que si l’ensemble de ces conditions sont remplies. Leur respect doit être constamment maintenu.
Textes de référence : Code de la Santé Publique
Livre 1, Titre II : Recherche impliquant la personne humaine
LE CAS PARTICULIER DES PRODUITS DU CORPS HUMAIN
La collecte de produits du corps humain (salive, glaire, urine, selles, sperme, méconium, lait maternel, colostrum, poils, cheveux, ongle, sueur), mais également la collecte de microbiote par écouvillonnage superficiel n’implique aucune atteinte à l’intégrité du corps humain.
Leur collecte à des fins de recherche ne devrait pas être considérée comme une recherche clinique et du moins ne l’était pas jusqu’à la publication de l’arrêté du 12 avril 2018 fixant la liste des recherches mentionnées au 3° de l’article L. 1121-1 du CSP.
Le pouvoir réglementaire a donc considéré, que la collecte de produits biologiques soulevait les mêmes problématiques éthiques que le prélèvement d’éléments du corps humain à des fins scientifiques et qu’il fallait donc lui appliquer le même régime juridique, celui de la recherche clinique.
Aujourd’hui, nous appliquons donc un régime juridique particulièrement contraignant pour des actes qui ne soulèvent aucune problématique éthique.
Une simplification du cadre juridique consisterait à revenir à la situation antérieure à la publication de l’arrêté du 12 avril 2018 et de considérer cette collecte comme n’entrant pas dans le champ de la recherche clinique.
2. L’usage secondaire d’échantillons biologiques :
Lorsque les échantillons sont prélevés initialement dans le cadre du soin (diagnostic, chirurgie, etc.) et respectent le principe posé par l’article 16-3 du Code civil, ou dans le cadre d’une recherche (comme évoqué précédemment) et qu’un usage secondaire de ces échantillons est envisagé pour les besoins d’une recherche, il ne s’agit plus d’une recherche clinique.
Nous pouvons considérer que l’utilisation d’échantillons existants pour améliorer les connaissances scientifiques, constitue une recherche sur échantillons biologiques humains.
Ces échantillons existants sont des résidus dont la destinée est d’être détruits en qualité de déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI).
Lorsque l’on décide de les conserver pour un usage secondaire à des fins scientifiques, on évite d’exposer inutilement des personnes à des prélèvements spécifiques à des fins de recherche, du fait de l’utilisation d’une ressource existante.
L’usage secondaire de déchets de soins ou de recherche est donc particulièrement vertueux et ne soulève aucune problématique éthique (absence de toute atteinte à l’intégrité physique d’une personne), et au contraire limite les problématiques éthiques que pourraient soulever certaines recherches cliniques.
Textes de référence : Code de de la Santé Publique
Livre 2 : Don et utilisation des éléments et produits du corps humains
⇒ Thomas ROCHE, avocat associé