Dans un arrêt du 26 septembre 2018, le Conseil d’Etat, statuant en matière disciplinaire, donne une illustration de la conception assez rigoriste du secret médical conservée et appliquée encore aujourd’hui par les juges.
Le Conseil d’Etat apporte également des précisions sur l’encadrement de l’usage des procédés publicitaires par les médecins.
Dans cette affaire, un médecin spécialisé en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, se voit reprocher par le Conseil départemental de son Ordre deux comportements :
- d’une part, sa participation à des émissions pour lesquelles il a accepté d’être filmé pendant des consultations et des interventions chirurgicales, dont il avait commenté le succès sur les réseaux sociaux et différentes émissions reprises sur des sites internet ;
- d’autre part, pour des propos tenus et rapportés dans un magazine « people » le présentant comme le chirurgien esthétique des stars et dont l’article relate la vérité sur une opération des seins d’une vedette.
La chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins prononce à son encontre une interdiction du droit d’exercer la médecine pendant deux ans.
Le médecin conteste cette sanction en invoquant qu’il résultait de la participation volontaire de ses patientes aux émissions télévisées, ou de l’accord d’une patiente à la publication d’un article de presse concernant son opération, leur consentement (si non exprès, mais pour le moins tacite) à la révélation de leur identité et leur volonté de rechercher une forme de médiatisation.
Invoquant l’obligation de respecter le secret médical qui lui incombe, instauré dans l’intérêt des patients, et couvrant tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession (ce qui lui est confié, ce qu’il a vu, entendu ou compris), le Conseil d’Etat confirme que le concours apporté par le médecin à la divulgation de l’identité de ses patientes est constitutif d’une violation du secret médical.
Cet arrêt est aussi l’occasion pour la haute juridiction de rappeler les règles déontologiques encadrant l’usage de procédés publicitaires par tout médecin, et notamment le critère du caractère informatif qui permet de caractériser ou non un procédé de publicité au bénéfice du médecin.
En l’espèce, les émissions de télévision auxquelles a participé le médecin n’avaient pas pour seul but d’informer le public sur des pratiques de chirurgie esthétique mais revêtaient bien un caractère publicitaire, voir promotionnel, le médecin ayant vanté sa pratique et mis en scène sa vie privée et professionnelle. Ces derniers comportements sont également constitutifs d’une autre violation déontologique en ce qu’ils déconsidèrent la profession.
La décision du Conseil d’Etat montre avec quelle rigueur le respect du secret médical est imposé au médecin, aussi bien au niveau de l’Ordre professionnel qu’au niveau des juges.
Il est ainsi rappelé au médecin qu’il doit se garder de tout comportement destiné à encourager, organiser, participer, confirmer ou cautionner la révélation d’informations concernant un patient et couvertes par le secret médical.
Pour autant, et considérant que le comportement des patientes pouvait laisser penser à un consentement seulement tacite, la conception très rigoriste du secret au terme de laquelle même le patient ne peut délier le médecin de son propre secret, devrait pouvoir laisser au patient la possibilité d’autoriser expressément le médecin à lever le secret à condition de donner son accord en toute connaissance de cause c’est à dire en connaissant précisément les informations concernées et la finalité de la révélation.
CE, 4ème et 1ère chambres réunies, 26 septembre 2018, n°407856