Le 19 mars 2013 le directeur de cabinet de la Ministre des Affaires sociales et de la santé a confié à l’Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) le soin de mener une mission d’évaluation de la mise en place d’une instance d’évaluation des projets de recherches impliquant la personne humaine.
Cette mission menée par Muriel DAHAN, Christian CAHUT et Philippe COSTE a donné lieu à l’établissement d’un rapport n°2013-103R remis en janvier 2014 qui s’intitule : « Evolution des comités de protection des personnes (CPP) évaluant les projets de recherche impliquant la personne humaine, après la loi « Jardé » du 5 mars 2012 »
Le 24 juin 2014, soit environ 6 mois après la remise de ce rapport, celui-ci vient d’être mis en ligne sur le site de l’IGAS.
A la lecture de ce rapport nous ne pouvons que partager l’impression laissée aux rapporteurs par leurs divers entretiens avec les acteurs de la recherche clinique française.
« La conduite de cette mission a révélé une grande complexité, parfois même une confusion de certains des intervenants, quant à l’organisation de la recherche sur la personne humaine dans notre pays et le lien, beaucoup plus ténu que certains le souhaiteraient, avec les organisations et cadres juridiques dans les autres pays, européens ou non. Chaque modification législative et réglementaire, nationale ou européenne, a affiché un objectif de simplification, or force est de constater que chaque « avancée » juridique a au contraire fait perdre en clarté, visibilité, prévisibilité et compréhension par les acteurs eux-mêmes des déterminants d’une recherche de qualité, dynamique, réactive et attractive. » [282]
Cependant, les rapporteurs demeurent timorés lorsqu’il s’agit d’analyser les raisons d’un tel échec et oublient par exemple qu’avant de devenir une proposition de loi, la loi « Jardé » était un chapitre de l’avant projet de loi HPST rédigé par le Ministère de la santé !
Concernant plus spécifiquement la loi « Jardé », les rapporteurs préconisent « le retrait des dispositions de la loi Jardé transférant aux CPP l’évaluation des recherches non interventionnelles et le maintien (et même le renforcement tel que recommandé par le rapport BRAS) du CCTIRS (…). »
En d’autres termes, le rapport préconise de retirer de la loi Jardé « l’avancée » juridique majeure qui consistait à soumettre les recherches non-interventionnelles aux CPP, recherches qui « n’avaient aucun encadrement réglementaire cohérent » [28].
De rappeler d’ailleurs l’ignorance des auteurs de la proposition de loi qui ne semblaient pas se soucier de l’existence d’une législation spécifique instaurant une protection des données personnelles faisant l’objet d’un traitement dans le cadre des études non interventionnelles ou observationnelles, préférant appeler de leurs vœux une nouvelle réglementation afin de combler ce vide juridique !
« L’absence de cadre réglementaire pour les recherches non interventionnelles, loin de procurer plus de souplesse, était au contraire un obstacle de plus sur la voie des chercheurs français, notamment lorsqu’ils voulaient publier leurs résultats dans les revues scientifiques internationales ». [32]
Or, pour les rapporteurs, force a été de constater que les CPP n’ont pas les compétences requises pour assurer la protection des données personnelles, que ceci ne constitue pas l’une de leur mission et surtout qu’ils n’ont pas les moyens d’assurer une telle protection.
C’est drôle, il me semble que j’en parlais déjà en mars 2009 !
Ce retour à un peu de bon sens devrait pousser les rapporteurs à en tirer les conséquences qui s’imposent en préconisant l’abrogation d’une telle loi qui serait ainsi vidée de substance, à défaut d’esprit.
Or, en acceptant de maintenir une telle loi, qui implique « l’écriture d’un projet de décret complexe qui serait de l’ordre de 80 pages et 120 arrêtés » [64], et en se contentant de la modifier par voie d’ordonnance pour notamment l’adapter au Règlement relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain les rapporteurs encouragent le statu quo, voire l’aggravation de la complexité de notre législation encadrant la recherche clinique.
Enfin, concernant les CPP, qui demeurent au cœur de ce rapport, la mission souligne la fragilité de cette institution et s’interroge sur sa pérennité du fait notamment d’une « lassitude face aux contraintes qui ont modifié régulièrement, au gré des réformes, leur mode de travail et aux perspectives liées à l’application de la loi Jardé et à l’arrivée du Règlement européen ». [256]
Le renforcement de la tutelle du Ministère de la santé, le passage à la comptabilité publique, et la fiscalisation des indemnités des rapporteurs semblent également expliquer la crise que traverse un certains nombre de CPP. La mission souligne que malgré diverses relances seulement 29 CPP sur 39 ont répondu à l’enquête.
Un jour peut-être, en France, nous comprendrons que ce ne sont pas des rustines qui permettront à notre recherche clinique de retrouver la place qu’elle mérite !